À propos de la « concertation » organisée par la Métropole de Lyon

Mineurs Isolés Étrangers :

À propos de la « concertation » organisée par la Métropole de Lyon

Communiqué Collectif RESF jeunes 69, 4 février 2019

Depuis plusieurs années, les militants de RESF 69 agissent notamment pour :

  La prise en charge dans le cadre de la protection de l’enfance des besoins de tous les jeunes étrangers, mineurs ou jeunes majeurs, arrivés en France sans famille ;

  Leur scolarisation dans l’Éducation nationale avec leur affectation dans des établissements leur permettant de réussir et d’obtenir un diplôme ;

  La régularisation de tous et de toutes à 18 ans, leur permettant de travailler et de vivre en toute autonomie ;

  L’abrogation des lois et décrets discriminatoires qui organisent le rejet des jeunes étrangers et transforment beaucoup trop d’entre eux en sans papiers.

Alors que nous interpellons la Métropole, sans résultat notoire, depuis plusieurs années, sur l’exclusion de nombre de mineurs qu’elle laisse ou remet à la rue, quelquefois après les avoir fait poursuivre par le Parquet et la PAF, alors que 850 d’entre eux, pris en charge par l’ASE, sont encore placés dans des hôtels où ils vivent dans des conditions indignes, le Président de la Métropole, M. Kimelfeld a pris en mars 2018 l’initiative d’une « concertation » sur la « prise en compte des MNA dans la Métropole de Lyon ».

Des « ateliers » réunis autour de M. André Gachet (conseiller métropolitain) se sont mis en place, ouverts au personnel de l’institution, aux « acteurs » de la protection de l’enfance (associations et remplissant la mission de protection de l’enfance et financées par des subventions publiques), aux autres associations partenaires (Forum réfugiés), et également aux citoyens bénévoles et militants associatifs dont la Métropole voudrait faire des partenaires à égalité avec les professionnels de l’ASE…

Le Président de la Métropole place sur le même plan les « personnels de l’institution » et les responsables de la Métropole, les personnels des services de l’ASE, les travailleurs sociaux des structures assurant des missions de protection de l’enfance ou de « prévention » et les « citoyens bénévoles », ainsi que les militants associatifs. Ce faisant, il inscrit sa démarche en application du Projet métropolitain des solidarités qu’il a fait adopter au conseil métropolitain, le 6 novembre 2017. Il a réaffirmé ses objectifs à plusieurs reprises, notamment lors de la séance d’ouverture de ces ateliers, le 29 mai 2018 : « La démarche engagée doit ouvrir des perspectives et éclairer les enjeux forts de sauvegarde de l’intérêt de l’enfant en tenant compte du cadre contraint au plan réglementaire et financier » . [1]

Il s’agit de faire appel au bénévolat afin de compenser, voire de se substituer au travail de professionnels (personnels sociaux de la Métropole ou des établissements habilités à recevoir des bénéficiaires de l’ASE). Citoyens et militants associatifs bénévoles devraient pallier l’insuffisance des moyens alloués par les collectivités territoriales (Métropole, Département) et l’État central, et ainsi participer à la mise en œuvre de la politique définie par la Métropole et le gouvernement.

À RESF69, nous avons décidé de ne pas participer aux ateliers de concertation organisés par la Métropole parce que nous n’acceptons pas « le cadre contraint réglementaire et financier » dans lequel veut nous enfermer M. Kimelfeld. C’est en effet ce cadre qui est à l’origine, tant du tri arbitraire entre vrais et faux mineurs étrangers organisé par la Métropole et l’État, que de la faiblesse des moyens accordés à l’ASE pour les mineurs comme pour les jeunes majeurs.

Nous n’avons jamais été et nous ne sommes pas des professionnels de la Protection de l’Enfance et nous ne voulons à aucun prix tenir leur rôle et les remplacer. Nous sommes des militants bénévoles luttant pour le respect des droits des jeunes étrangers.

Nous souhaitons conserver notre indépendance à l’égard des institutions, y compris de la Métropole, parce que nous avons toujours inscrit notre action aux côtés des jeunes étrangers dans la surveillance et la critique des politiques publiques menées à leur égard.

Force est de constater aujourd’hui que la plupart des « propositions » des « Ateliers » retenues correspondent à la feuille de route définie par la Métropole [2], mais pas aux revendications de RESF, ni aux besoins et droits des jeunes que nous voulons faire respecter tout comme d’autres associations et beaucoup de bénévoles !

Parlons par exemple de l’amélioration des conditions d’accueil et de suivi !

Au lieu de financer la création de places et d’emplois en Maisons d’enfants à caractère social (MECS) ou en foyers, pour un encadrement et un accompagnement éducatif, psychologique, médical, scolaire, assuré par des professionnels, la Métropole impose dès maintenant aux associations de la prévention spécialisée de missionner, à moyens constants, des éducateurs de rue pour des interventions « ambulatoires » auprès des MNA qu’elle a placés en hôtel. Ces missions qui viennent s’ajouter au travail de prévention de ces personnels, au mépris de leur métier et des valeurs essentielles de la prévention (dont la libre adhésion) sont sans doute une application de la politique de « décloisonnement » et de mutualisation des moyens décidée par la Métropole, mais elles ne suffiront pas à répondre aux besoins quotidiens des mineurs isolés en situation de grande vulnérabilité après des parcours migratoires souvent traumatisants. Quant aux 850 jeunes placés en hôtels, malgré les effets d’annonce de ce début d’année 2019, leur sortie des hôtels ne semble donc pas pour demain. Nombre d’entre eux continuent à vivre dans des conditions indignes en termes d’hébergement, d’hygiène, d’alimentation… et de suivi (démarches qui incombent notamment à la Méomie).

D’autres « propositions » participent de la même politique de dégradation du service public. Sont ainsi évoquées les possibilités de faire appel à des jeunes en service civique, à des associations d’insertion, à la mise en place d’une coordination du bénévolat sous le contrôle de l’institution.

Alors que nombre de jeunes qui se présentent comme mineurs restent à la rue, en attente d’évaluation ou, en attente de prise en charge après leur évaluation comme mineurs, ou après leur rejet, des « propositions » visent à pérenniser, voire institutionnaliser des « lieux de répit » gérés par des bénévoles. Il s’agit donc d’institutionnaliser des sas entre le moment où le jeune arrive sur le territoire et la phase de mise à l’abri ou de prise en charge effective, tout en les plaçant sous le contrôle de l’institution.

Parlons des « propositions alternatives » d’hébergement !

Si la création de places a été évoquée par M. Gachet et finalement annoncée par M. Kimelfeld, les financements et le type de structures dans lesquelles seront créées ces places, de même que les conditions d’encadrement restent dans l’ombre. Il a par contre été proposé un subventionnement à l’accueil citoyen. Il s’agirait d’institutionnaliser un « accueil familial bénévole » avec des familles non agrées et sans contrôle, avec un financement low cost, alors que « l’accueil familial agréé » implique un agrément, une formation, un contrôle, une rémunération minimale équivalente au SMIC brut, soit 1521,22€ mensuel.

De même a été évoquée la reprise en main du squat Maurice Scève existant par de opérateurs, sous le contrôle de la Métropole.

Le développement de parcours de soin a été proposé, ce qui correspond à une nécessité urgente. Mais il est néanmoins indiqué que les mineurs ne peuvent accéder aux soins de premier accueil sans autorisation de la MEOMIE, ce qui exclut nombre de MNA laissés à la rue de toute prise en charge médicale. De plus, ce parcours de soins serait assorti d’une base de données numérique.

Il n’est pas possible ici de faire une analyse exhaustive de toutes les « propositions » issues des « ateliers » de concertation tenus sous l’égide de la Métropole, mais on doit constater que la plupart vont dans le sens d’une dégradation des services sociaux, de la prise en charge des jeunes étrangers sans famille, le tout au nom de « l’équité ».

En effet, le compte-rendu des « ateliers » précise que les solutions apportées doivent respecter « le principe de l’équité de traitement ». Il convient de rappeler que « l’équité » est une notion subjective ; elle ne signifie pas l’égalité des droits en matière de protection de l’enfance. Dans les faits, c’est la Métropole qui définit l’équité des traitements, ce qui est un facteur d’inégalité. Il s’agit en réalité de justifier la dérèglementation en cours en matière de protection de l’enfance qui touche de plein fouet aujourd’hui les jeunes étrangers sans famille (dérèglementation qui s’étend de plus en plus à tous les enfants [3]). Cela, alors que, dans le même temps, les convocations à la PAF, les poursuites du parquet, les mesures judiciaires engagées contre les jeunes étrangers isolés se multiplient et alors que la préfecture se prépare à utiliser le fichier national biométrique AEM tout en distribuant déjà de nombreuses OQTF sans délai à des mineurs injustement décrétés majeurs.

Les ateliers de concertation semblent jusque là avoir ignoré la création du fichier national biométrique dénommé « Appui à l’évaluation de la minorité » (AEM) qui va permettre d’accentuer la traque dont sont déjà victimes les jeunes isolés étrangers. Ce nouvel outil est vivement dénoncé par le Défenseur Des Droits lui-même qui en a demandé l’abandon, mais aussi par les associations et syndicats qui considèrent qu’il « transforme la protection de l’enfance en potentiel instrument de la politique d’expulsion du territoire ». RESF en demande le retrait ! La Métropole et son Président porteront dans les mois à venir la responsabilité de faire fonctionner le dispositif AEM en livrant les mineurs qu’ils recevront aux contrôles et au fichage du Préfet, avec le risque de reconduites à la frontière pour les mineurs qu’ils décréteront majeurs. Nous constatons que les ateliers de concertation sont restés silencieux sur le projet très répressif du gouvernement.

RESF milite pour l’égalité des droits de tous les enfants vivant sur le territoire (quelle que soit leur situation administrative) au regard de la protection de l’enfance comme de la scolarisation.

Les militants du Réseau éducation sans frontière, du Collectif jeunes RESF 69 poursuivront, en liaison avec les enseignants, les travailleurs sociaux et leurs organisations, en toute indépendance de la Métropole et de l’État, les actions engagées contre les mesures de répression et pour la protection sans discrimination de tous les jeunes mineurs ou majeurs isolés.

Lyon, 4 février 2019

Notes

[1cf. le compte-rendu « Retour sur les ateliers. Démarche participative ».

[2Notamment des « Fiches action » 50 et 54 du PMS, le Projet métropolitain des solidarités 2017-2022 (Protection de l’enfance).

[3Dans une Lettre ouverte à Kimelfeld de novembre 2018, les syndicats CGT de la Métropole et de la ville de Lyon dénoncent les conséquences des restructurations de services sociaux et médico-sociaux (manque de moyens, burn-out des personnels…) et rappellent qu’il faut « Jusqu’à 4 mois d’attente pour la présentation en CE (Commission Enfance) d’une situation d’un enfant en danger ou risque de danger, puis 8 à 10 mois d’attente pour qu’un travailleur social soit mandaté pour débuter l’accompagnement de l’enfant ».